Océan et climat : un équilibre fragile
Série d’été « Océan » 2/5 – Régulateur du climat mondial, l’océan absorbe chaleur et dioxyde de carbone, notamment celui émis par les humains depuis l’ère industrielle. Ce rôle vital est menacé par le réchauffement, l’acidification et la modification des courants. Que se passera-t-il si ce milieu cesse d’amortir nos excès ?
Les scientifiques du Laboratoire d'Océanographie de Villefranche - LOV (CNRS/Sorbonne Université) partagent leur expertise.
Sous la surface apparemment tranquille de ses eaux bleues, une mécanique invisible, mais essentielle, est à l’œuvre : l’océan régule le climat de notre planète. Grâce aux courants océaniques, la chaleur du soleil, accumulée dans les régions tropicales, est lentement transportée vers les pôles, où les eaux froides, plus denses, plongent vers les profondeurs. Véritable « tapis roulant » océanique, cette circulation dite « thermohaline » s’étale sur plusieurs siècles. « L’océan maintient des conditions propices à la vie sur notre planète, explique Jean-Pierre Gattuso, océanographe au Laboratoire d’océanographie de Villefranche - LOV- (CNRS/Sorbonne Université). Sans lui, la température moyenne sur Terre serait beaucoup plus élevée. »
Aujourd’hui, l’océan absorbe ainsi plus de 90 % de l’excès de chaleur lié aux activités humaines. Mais il ne se contente pas de réguler la chaleur à l’échelle planétaire. Il agit également comme un immense puits de carbone et absorbe une partie du dioxyde de carbone (CO2) présent dans l’atmosphère : 25 % des émissions de CO2 anthropiques sont ainsi captées par cette immense masse d’eau. Un phénomène qui repose sur deux mécanismes complémentaires.
C’est un fait : l’océan joue un rôle majeur dans la machine climatique mondiale. Pour autant, toutes les régions du globe n’y contribuent pas de la même manière. Parmi elles, l’océan Austral se révèle crucial. Situé autour de l’Antarctique, cet immense carrefour océanique connecte les trois grands bassins – l’Atlantique, l’Indien et le Pacifique. Là, les eaux froides de surface plongent vers les profondeurs, entraînant avec elles une part du CO2 et de l’excès thermique liés aux activités humaines. « L’océan Austral est le plus grand puits de carbone océanique : on estime qu’il absorbe, à lui seul, près de 40 % du CO2 capté par l’ensemble des océans », souligne Julia Uitz, biogéochimiste au LOV.